Analyse : Quelles sont les perspectives pour les cours de l’or après que le métal jaune a dépassé les 2 900 dollars l’once pour la première fois ?

Les prix de l’or ont atteint un sommet sans précédent la semaine dernière, franchissant pour la première fois la barre des 2 900 dollars l’once.

Cette augmentation est largement attribuée à l’escalade des tensions commerciales entre les grandes économies, qui a déclenché une fuite vers la sécurité chez les investisseurs.

L’or, traditionnellement considéré comme un actif refuge, a tendance à attirer les investissements en période d’incertitude économique et de risque géopolitique.

Les prix de l’or peuvent-ils encore augmenter ?

Les analystes se demandent toutefois si le métal jaune peut encore grimper.

L’attrait de l’or comme valeur refuge a plus ou moins éclipsé l’impact du dollar et des rendements des obligations américaines.

« Il est difficile de dire combien de temps cette situation inhabituelle durera. À court terme, cependant, il semble que le récent record historique pourrait ne pas être le dernier », a déclaré Carsten Fritsch, analyste des matières premières chez Commerzbank AG.

La proximité du seuil des 3 000 USD favorise également une nouvelle hausse des prix. Cependant, il est clair que cela augmentera aussi le potentiel de correction.

Malgré le manque de soutien traditionnel du dollar américain et des rendements réels, les métaux précieux se sont imposés comme une classe d’actifs à la meilleure performance en 2025.

La corrélation inverse généralement observée entre les prix de l’or et le rendement des TIPS américains à 10 ans s’est considérablement affaiblie ces derniers temps.

« Nous soupçonnons plutôt que l’or a bénéficié des craintes des investisseurs concernant la possibilité d’une nouvelle guerre commerciale », a déclaré Joe Maher, économiste adjoint chez Capital Economics, dans un rapport cité par Investing.com.

Malgré la hausse record des dernières semaines, la progression de l’or pourrait ne pas durer longtemps, selon Maher.

« Les inquiétudes concernant le risque que l’or soit pris dans les feux croisés de la guerre commerciale ont peut-être également incité les investisseurs américains à acheter de l’or pour anticiper d’éventuels futurs droits de douane qui pourraient affecter les importations d’or aux États-Unis. Cela pourrait expliquer en partie le récent stockage d’or sur le Comex aux États-Unis », a-t-il ajouté.

L’économiste note que, bien que les récentes préoccupations liées aux tarifs soient importantes, elles ne sont qu’un facteur contribuant au changement par rapport aux moteurs traditionnels du marché de l’or.

De plus, les États-Unis et leurs alliés ont gelé environ 300 milliards de dollars de réserves russes après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Cela a peut-être incité les banques centrales à acheter de l’or afin d’atténuer leur exposition aux sanctions américaines.

Les prix élevés freinent la demande

La forte hausse du prix de l’or a commencé à éroder la demande dans les deux pays consommateurs les plus importants, la Chine et l’Inde.

Fritsch a ajouté :

Les revendeurs en Chine signalent une très faible demande après la fin des vacances du Nouvel An lunaire, attribuant cela au niveau de prix plus élevé.

En conséquence, l’or en Chine est proposé à un rabais de 7 à 10 dollars l’once troy par rapport au prix au comptant, a-t-il ajouté.

La situation en Inde est encore plus dramatique, selon Commerzbank.

La demande d’or a chuté de 70 à 80 %, selon un haut responsable de l’India Bullion and Jewellers Association, a noté Commerzbank.

Par conséquent, les négociants en or indiens offrent des rabais de 30 à 38 dollars par once sur les prix locaux officiels, selon la banque allemande.

« Le représentant de l’industrie a indiqué que sans la pénurie d’approvisionnement, la réduction serait encore plus importante, supérieure à 100 USD. »

Le Conseil mondial de l’or a indiqué que la demande de bijoux en Chine a considérablement diminué de 24 % par rapport à l’année précédente, avec une baisse encore plus marquée vers la fin de l’année.

En Inde, en revanche, la demande de bijoux n’a baissé que de 2 %, car une réduction substantielle de la taxe à l’importation de l’or en juillet 2024 a compensé la forte hausse des prix.

« Ce facteur particulier de soutien de la demande ne s’applique plus », a déclaré Fritsch.

La Chine et l’Inde représentent à elles deux plus de la moitié de la demande privée d’or.

D’autres grandes régions consommatrices d’or, comme le Moyen-Orient, pourraient également connaître une baisse de la demande en raison des prix élevés.

« Ces développements montrent que le boom de l’or a des effets secondaires négatifs et n’est pas une voie à sens unique », a déclaré Fritsch.

Prix de l’or : niveaux de survente ?

« Deux mots reviennent sans cesse pour décrire la performance de l’or au cours des quinze derniers jours : « suracheté » et « résilient », a déclaré David Morrison, analyste principal des marchés chez Trade Nation.

Les prix de l’or ont grimpé vers la fin de janvier, dépassant de manière décisive le précédent record absolu enregistré en octobre.

Cette trajectoire ascendante s’est construite de manière constante depuis la mi-décembre, démontrant une résilience remarquable avec une absence notable de replis ou de corrections substantiels.

Ce rallye soutenu a souligné un sentiment haussier robuste sur le marché de l’or, potentiellement alimenté par une confluence de facteurs tels que les incertitudes économiques mondiales, les tensions géopolitiques ou l’affaiblissement du dollar américain.

« Il s’agissait d’un rallye impressionnant et furtif qui a vu une légère hausse du MACD quotidien alors que l’élan haussier continuait de se renforcer », a déclaré Morrison.

Cela a contribué à ce que l’or atteigne un nouveau sommet historique intrajournalier de plus de 2 964 $ la semaine dernière.

Les prix ont ensuite légèrement reculé et se situaient autour de 2 910 dollars l’once lundi.

« Mais alors que ce genre de repli était généralement le précurseur d’une vente plus importante tout au long de l’année 2024, cette fois-ci, il s’est avéré être une opportunité d’achat », a ajouté Morrison.

La hausse continue donc et la résilience de l’or transparaît. Mais il reste survendu, donc les haussiers doivent rester sur leurs gardes.